Judenbuche’s century

40 km Upstream from Dachau, 2005, oil on wood panel, 150 x 150 cm

Judenbuche‘s century

Le siècle de Die Judenbuche

Das Jahrhundert der Judenbuche

 

« “These flowers”, writes Jenny von Droste-Hülshoff, the sister of Anette, to Wilhelm Grimm on December 10, 1824, “are from my garden, and I have pressed them for you.” In addition: “I wish you may have clear sunlight whenever you go walking in the meadow, and that you meet no troublesome acquaintance who might give your thoughts a disagreeable turn, thus spoiling your recreation.” She also has two requests. First, “I would like to know how large the theatre playhouse in Kassel is.” But the other request is far more important: “When I clip my swans’ wings,” she writes, “as I recently had to do with the two young ones, it is always such a sad and difficult task. So I ask you to inquire how the swans in the meadow are treated.”

Wilhelm Grimm to Jenny von Droste-Hülshoff, January 9, 1825: “Dear Fräulein Jenny, Thank you for the two letters I have received from you, and for the friendly good wishes that speak from them… But I haven’t been able to find out how things are done with the swans. I think, actually, that the young ones’ wings are not clipped at all, since even if they fly off they come back to their native soil.” »

Walter Benjamin, German Men and Women, in Selected Writings: 1935-1938, Belknap Press, 2005

1. Westerplatte

C’était au bord de la mer Baltique, près de Dantzig, à Westerplatte, en l’hiver 1992. Je marchais sur le sable de la plage, quand j’ai trouvé un cygne mort. Le soleil brillait, en dépit des températures au-dessous de zéro, et les vagues ne faisaient pas de bruit. Depuis tout petit, j’éprouve une forte attirance pour ce genre de trouvaille à la fois biologique et morbide, même quand les bêtes sont déjà en état de putréfaction. Pendant mes études de médecine vétérinaire à Varsovie, juste avant la chute du communisme, le contact avec des cadavres d’animaux vertébrés est devenu habituel et a pris un air plus scientifique pour moi, voire aseptisé. Cette fois-là, pourtant, il y avait quelque chose d’autre dans mon geste. Pour les Polonais, c’est à Westerplatte que la Seconde Guerre Mondiale a commencé. J’ai pris la tête du cygne mort et je l’ai emportée avec moi. Je garde ce crâne depuis.

Es war an der Ostseeküste, in der Nähe von Danzig, auf der Halbinsel Westerplatte, im Winter 1992. Ich lief den Strand entlang und fand einen toten Schwan. Die Sonne schien, es herrschten Minusgrade. Die Wellen machten keinerlei Geräusche. Seit meiner Kindheit üben diese Art von Entdeckungen, biologisch und morbid, eine starke Anziehungskraft auf mich aus – auch wenn die Tiere sich bereits in einem Zustand der Verwesung befinden. Während meines Studiums der Tiermedizin in Warschau, kurz vor dem Fall des Kommunismus, wurde der Kontakt mit toten Wirbeltieren zu etwas Alltäglichem und bekam für mich eine wissenschaftlichere Bedeutung – beinahe etwas Reinigendes. Damals, 1992, wurde mein Handeln jedoch von etwas anderem bestimmt. Für die Polen begann der Zweite Weltkrieg auf der Westerplatte. Ich nahm den Kopf des toten Schwans mit und habe den Schädel bis heute behalten.

 

Swan Scull, 2000, digital proof.

2. Jenny

À l’École des Beaux-Arts de Paris, certains cours de culture générale étaient consacrés à l’œuvre inachevée de Walter Benjamin. J’ai emprunté de la bibliothèque l’édition française de son anthologie Les écrits allemands, où j’ai trouvé une phrase qui m’a stimulé pendant plusieurs années. C’était la citation d’une lettre de Jenny Droste-Hülshoff adressée à Wilhelm Grimm : « Quand je suis obligée de couper les ailes de mes cygnes… » La réponse du frère Grimm fut la suivante : « …je crois qu’en réalité on ne coupe pas du tout les ailes des jeunes, car s’ils s’envolent, ils reviennent à l’endroit où ils sont nés… » Si le magnétisme du lieu de naissance était plus fort qu’une hache, alors la liberté s’estomperait, ses frontières poétiques et politiques se confondraient. La France étant mon pays « extra-utérin », ces écrits allemands éveillent toujours en moi, des décennies plus tard, la problématique de la naissance qui précède la « venue-au-monde », pour utiliser les expressions de Peter Sloterdijk. L’évocation du retour, le conflit entre la mémoire et sa perte, devenait une sorte de mutilation symbolique. C’est pourquoi j’ai décidé de peindre avec mes doigts la phrase de Jenny.

An der l’École des Beaux Arts in Paris besuchte ich Seminare über das unvollendete Werk Walter Benjamins. Ich besorgte mir die französische Ausgabe seiner Anthologie Die deutschen Dichter in der Bibliothek. Darin fand ich einige Sätze, die mich noch Jahre später anregten. Es waren Zitate aus einem Briefwechsel zwischen Jenny von Droste-Hülshoff und Wilhelm Grimm. Jenny von Droste-Hülshoff schrieb: »Wenn ich meinen Schwänen die Flügel stutze,(…), so ist mir das immer eine so große und traurige Arbeit.» Darauf erwiderte Wilhelm Grimm: »(…), man schneidet den Jungen die Flügel gar nicht, wenn sie auch auffliegen, kommen sie doch zur Heimat wieder zurück.» Wenn die Anziehungskraft des Geburtsortes stärker als eine Axt ist, dann schwindet die Freiheit, die Grenzen des Poetischen und Politischen verschmelzen. Frankreich ist eine Art zweite Heimat für mich, und diese deutschen Schriften entweckten in mir, selbst nach Jahrzehnten, den Gedanken an ein Dasein vor dem eigentlichen Auf-die-Welt-kommen, im Sinne Peter Sloterdijks. Die Gedanken an eine Rückkehr, der Widerstreit zwischen Erinnerung und Vergessenheit, wurden zu einer Art symbolischer Verstümmelung. Deshalb entschied ich mich, Jennys Satz mit meinen Fingern zu malen.

3. Annette

Peu de temps avant la monnaie unique européenne, j’ai fait un voyage nocturne entre l’Italie et l’Allemagne. Je suis arrivé à Munich à 5 heures du matin et je ne pouvais m’asseoir nulle part car, apparemment, les bancs publics avaient été retirés des trottoirs pour des raisons d’hygiène sociale. À l’ouverture des cafés quelques heures plus tard, j’ai enfin pu m’asseoir à une terrasse pour prendre un thé. Je regardais les passants quand soudain une scène stupéfiante s’est produite sous mes yeux. Une bande de jeunes courraient après des touristes japonais, en les insultant avec une telle agressivité que j’ai pensé qu’ils devaient être néonazis. J’ai sorti de ma poche un billet de 20 DM, pour payer en vitesse et décamper, mais le garçon prenait son temps. Sur le billet, il y avait le portrait d’Annette von Droste-Hülshoff. À l’époque, j’ignorais tout de son livre Die Judenbuche et je ne savais pas qu’elle était la sœur de Jenny. J’ai fini par être abordé par la même bande que j’essayais de fuir, ils voulaient connaître ma nationalité. J’ai répondu que j’étais Français et ils m’ont laissé tranquille. Je venais de cacher mes origines pour sauver ma peau.

Kurz vor der Einführung der europäischen Einheitswährung reiste ich nachts von Italien nach Deutschland. Ich kam um fünf Uhr morgens in München an und konnte mich nirgendwo hinsetzen, denn die Bänke auf den Gehwegen waren entfernt worden – vermutlich, um sie zu reinigen. Als ein paar Stunden später die Cafés öffneten, konnte ich endlich auf einer der Terrassen sitzen und Tee trinken. Während ich Passanten beobachtete, ereignete sich etwas Schauderhaftes, direkt vor meinen Augen. Eine Gruppe junger Männer verfolgte japanische Touristen. Sie rannten hinter ihnen her und beleidigten sie in einer solch aggressiven Weise, dass ich davon ausging, es handelte sich um Neonazis. Ich zog einen Zwanzigmarkschein aus meiner Tasche, um schnell zu zahlen und ohne Umschweife aufzubrechen – jedoch war die Bedienung sehr langsam. Auf der Banknote war das Porträt Annette von Droste-Hülshoffs. In jener Zeit hatte ich noch nichts von ihrem Buch Die Judenbuche gehört und wusste auch nicht, dass sie Jennys Schwester war. Schließlich richtete sich die Männergruppe, vor der ich fliehen wollte, an mich. Sie wollten wissen, welcher Nationalität ich angehörte. Ich antwortete, ich sei Franzose und sie ließen mich in Ruhe. Ich hatte meine Wurzeln verleugnet, um meine Haut zu retten.

 

German Letter, 1995, collage, 44,5 x 53,5 cm.

4. Aaron

En 2012, ces quelques expériences autobiographiques disparates m’ont poussé à lire Die Judenbuche en version française (Le hêtre aux juifs), laquelle a une spécificité propre à la langue, car le nom de l’arbre est homophone du verbe être. Désormais plus attentif à cet arbre, j’ai découvert plusieurs hêtres dans le quartier multiethnique de mon atelier à Paris, par exemple sur la place de Stalingrad ou à l’entrée d’une grande salle de concerts, Le Zénith, décorée d’un néon représentant un avion en vol piqué. Ces derniers éléments aléatoires ont bouclé ma collecte intime de sensations et de détails liés à une grande histoire de la culture allemande. Ce n’est pas un hasard si Annette Droste-Hülshoff fut célébrée dans un billet de 20 DM ou dans un timbre de 1 DM, mais c’est bien par hasard que je suis tombé sur elle, comme avant sur Jenny ou sur le cygne à Westerplatte. Ma flânerie se confondait finalement avec une diachronie plus profonde, peut-être jusqu’aux Waldkulte d’une Europe nordique préchrétienne, avec ses arbres sacrés, ses meurtres rituels et ses boucs émissaires.

Diese sehr unterschiedlichen und voneinander losgelösten autobiografischen Erfahrungen führten dazu, dass ich im Jahre 2012 die französische Version von Die Judenbuche (Le hêtre aux juifs) las. Im Französischen entspricht die Aussprache von hêtre (Buche), der des Verbs sein (être). Von nun an schenkte ich diesem Baum mehr Beachtung. Ich sah mehrere Buchen in der unmittelbaren Nachbarschaft meines Ateliers in Paris. In dieser Nachbarschaft wohnen Menschen vieler Nationalitäten. Beispielweise am Place de Stalingrad, oder am Eingang der großen Konzerthalle Le Zénith, versehen mit einem Neonschild, das ein Piktogramm eines sich im Sturzflug befindlichen Flugzeugs zeigt. All diese zufälligen Begebenheiten vervollständigten meine Sammlung intimer Details und Gefühlen im Bezug auf die lange Geschichte der deutschen Kultur. Es ist sicher kein Zufall, dass Annette von Droste-Hülshoff auf dem Zwanzigmarkschein geehrt wurde, beziehungsweise auf einer Briefmarke. Aber es ist tatsächlich ein Zufall, dass ich sie entdeckte, wie es auch mit Jenny oder dem Schwan auf der Westerplatte ein Zufall war. Die Gedanken während meines Spaziergangs auf der Westerplatte vermengten sich letzen Endes mit einer tieferen Diachronie, vielleicht bis zu den Waldkulten eines vorchristlichen, nordischen Europas mit seinen heiligen Bäumen, seinen rituellen Tötungen und Sündenböcken.

En tout cas, le siècle de Die Judenbuche n’est pas précis. Il va plus loin que les biographies et les événements de notre histoire contemporaine, pour atteindre une dimension transversale, inconsciente, dont les contours mystiques ne concernent pas que l’Allemagne. Cette historiographie n’en est pas une, car il est question d’une « paranoïa » dialectique de l’artiste. Comme le rappelle Sloterdijk, « pour Hegel, l’histoire du monde est un caveau de famille dans lequel chaque crâne représente un membre de la famille.

So oder so ist Das Jahrhundert der Judenbuche nicht eindeutig. Es dehnt sich über die Biografien und Ereignisse unserer zeitgenössischen Geschichte hinaus, und bildet eine unbewusste, beinahe mystische Dimension, deren Konturen sich nicht auf Deutschland beschränken. Die Rede ist von einer Geschichtsschreibung, die gar keine ist, denn schließlich ist es eine Frage meiner eigenen »paranoiden« Dialektik. Um mit Sloterdijk zu sprechen: »Für Hegel ist die Weltgeschichte eine Familiengruft, in der jeder Schädel einen Verwandten darstellt.« (Sloterdijk, Peter (1989): Eurotaoismus. Zur Kritik der politischen Kinetik. Frankfurt am Main: Suhrkamp Verlag. Page 164.)

Adam Adach

Adach, Adam. 2013. « Judenbuche‘s century /  Le siècle de Die Judenbuche /Das Jahrhundert der Judenbuche », http://adamadach.com/judenbuche/

Winter Lake, detail.

 

 

 

 

 



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